[INTERVIEW] Tomasi, somnambule bien éveillé

Il est de ceux qui se posent des questions haut et fort, celles que tout le monde pense tout bas. De ceux qui s’expriment par la musique, avec leurs tripes.

Il arrive a combiner rap, une certaine fragilité croisée à la mélancolie et une pincée de musique électronique. Tomasi, c’est ce type d’artiste qui arrive à te faire rire, danser et pleurer. En même temps.

Somnambule, c’est le titre de son nouvel EP, sorti le 3 octobre.

Il s’est prêté au jeu, m’a donné de son temps pour répondre à une série de questions. Car non, jamais nous ne nous arrêterons de nous poser des questions, existentielles ou non, utiles ou inutiles. Rencontre avec Tomasi, ton futur chanteur et musicien préféré.


Musicaléomentvotre : Bonjour Tomasi, tu as sorti ton EP, Somnambule. Avant d’en parler, est-ce que tu pourrais te présenter, et présenter ton projet ?

Tomasi : Je m’appelle Tomasi, je fais du rap fragile / chanson musclée en peignoir, le plus souvent dans ma chambre. J’ai commencé la musique vers 12 ans avec de la guitare, en apprenant sur internet avec des tutos. J’ai commencé a écrire des chansons très très vite, la première s’appelait I’ll call you up. Ça parlait de fumer, de boire, d’être désespéré en amour. Puis j’ai commencé à écrire en français, parce que j’écoutais beaucoup les BB Brunes, c’est eux qui m’ont donné envie d’écrire en français, c’est une grosse influence. Puis j’ai monté Clairvoyant avec Hugo Pillard (ndlr : Trente) et on a fait pas mal de concerts, enregistré un EP qui n’est jamais sorti… et j’ai commencé seul avec Tomasi, depuis 2017, avec un premier EP, Astronef, en ayant un peu tout fait tout seul. Mais avec le recul, je préfère ce que je fais maintenant.

TOMASI, ça vient d’où?

Ça vient du Péril Jeune de Klapisch, sorti en 95 (ndlr : son année de naissance). Voilà. Non j’rigole.
C’est le personnage incarné par Romain Duris, et c’est un film que j’aime énormément et *blanc* en fait dans ce film, il incarne une certaine idée de l’auto-destruction et en même temps de la non peur de la mort. Enfin, c’est la jeunesse pour moi la plus insouciante et j’aime bien garder ça dans mes chansons. À cette époque, je pense que l’insouciance c’était d’être dehors et aujourd’hui, c’est plutôt ne pas sortir de chez soi, rester dans son coin et… c’est une autre forme d’auto-destruction.

Qu’est-ce que c’est, le rap fragile ?

Dans la culture urbaine, même dans le langage en général t’as « fragile ». Moi, je fais du rap qui montre ses faiblesses à fond, voire peut-être trop. J’ai l’impression de parler que de moi, mais je m’amuse bien quand même ! C’est un peu ce que j’entends par le rap fragile.

Tu nous parlerais des soirées Kimono ?

C’est un concept simple. J’avais envie de réunir des copains qui font de la musique, lors d’une soirée. Moi je suis plutôt rap, certaines salles ne veulent pas de moi à Paris et là on regroupe plusieurs styles différents, bizarres ou pas. Mais le but c’est de passer une soirée avec le plus de gens possible, de se retrouver et de jouer ensemble ET SURTOUT, d’être tous en peignoir ou en kimono. La dernière était une belle réussite !

Pourquoi l’EP s’appelle SOMNAMBULE ?

C’est par définition de dormir debout. Voilà.
En fait c’est bête, j’ai une amie qui s’appelle Clémence L., qui a fait un film qui s’appelle SOMNAMBULE et j’avais fait la musique. Le thème qui commence Somnambule (ndlr : la chanson) a été mon point de départ. Son film ne parlait pas du tout de ça même si j’ai tendance à m’inspirer un peu des films et des séries etc…, mais j’ai réfléchis à ce que je vivais. J’ai un quotidien ou je bois beaucoup, ou je vis plutôt la nuit que le jour et j’aimais bien cette idée de presque « zombie », comme si j’étais éveillé ça reflète bien Tomasi.
Quand tu prends les chansons de l’EP, c’est vraiment une idée à chaque fois de somnambulisme qui touche plus le jour que la nuit d’ailleurs.
C’était la première fois qu’on me posait cette question, et j’y ai jamais réfléchi, tu vois *rires*.

J’ai beaucoup écouté Astronef et on voit quand-même une progression…

Je me suis plus entouré pour cet EP, j’ai bossé avec Valentin M. et c’est beaucoup plus pop. C’est vraiment devenu un allié pour moi en plus de Nicolas G., c’est de plus en plus une vraie belle équipe.

Quand tu compares l’ancien et ce nouvel EP, qu’est-ce que tu peux souligner comment changements ?

Sur le premier, Petit frère de haine et Monument ne parlaient pas de moi.
Là, j’ai beaucoup plus centré sur moi. J’ai fais beaucoup de chansons entre le premier et le deuxième EP, mais j’ai gardé les cinq qui me touchaient le plus et qui étaient le plus cohérents ensemble. Ce qui a beaucoup changé c’est aussi l’arrivée de Valentin qui m’a permis de plus m’épanouir, de ne pas être juste seul. Donc, dans la composition c’est juste un chemin naturel, mais dans l’enregistrement ça a changé beaucoup de choses.

Et donc tes clips, tu les bosses toujours avec une seule et même personne, ou d’autres petites mains viennent t’accompagner ?

Yes sauf celui de Monument qui a été réalisé par Hugo P., sinon c’est avec Nicolas et Basile C.L et Ingrid pour les décors. C’est l’occasion de faire des beaux clips avec presque rien.

Par rapport à la composition, si tout ce que tu dis est vrai, depuis quand est-ce que tu es inspiré ?

C’est assez inégal sur tout l’EP. Certains textes sont sortis tout seul, d’autres ont pris plus de temps. Par exemple, Menteur Menteur s’appelait a la base Jardin, c’était le même refrain, avec la meme mélodie mais du coup très compliqué à re-écrire. Ça n’allait juste pas avec ce que je voulais raconter.
J’ai passé l’été dernier avec mes cousins et je les écoutais se balancer des trucs un peu débiles. J’avais la sensation d’avoir déjà vécu ça, et dans cette mesure là, ça prenait plus de temps à écrire des textes. Certaines phrases étaient balancées facilement, mais pour Avatoru par exemple, j’ai eu envie d’écrire, j’ai lâché l’instru et c’est carrément parti tout seul.

Et au niveau des thèmes ? Tout est lié ?

Un peu. Si tu prends une chansons comme Happy ending, on peut entendre des mini HAPPY ENDING. Je l’ai écrite parce que je suis tombé a l’époque sur une chanson où dans le refrain il y avait des jouissements de femme, et je trouvais ça génial comme idée ! Je voulais recréer la même chose mais à ce moment là, il y avait quelqu’un dans ma chambre avec moi… et du coup je n’allais pas aller sur pornhub pour recréer le parfait son. En tapant SEXE sur youtube je suis tombé sur une vidéo de massage, et la femme derrière demandait « you want happy ending ? ». Une vidéo vraiment improbable mais qui fait un bon parallèle avec Du sperme sur le peignoir. C’est une bonne évolution, je trouve, et une autre manière de présenter tous ces thèmes.

Et à coté de l’EP tu fais des freestyles…tu peux nous en parler ?

Ouais carrément. En fait, c’est des TOMASERIE. Dans le processus de faire quelque-chose de construit, le soucis c’est que c’est long, rien qu’entre le fait de créer et de pouvoir écouter. Moi je voulais faire des choses où je ne me prends pas trop la tête, sur un autre format de vidéo (pour pouvoir challenger Nicolas sur autre chose). C’est aller chercher un format particulier pour proposer quelque chose d’assez marrant, tout en restant dans l’instant.
C’est un plaisir de voir quelque chose sortir vite et d’avoir des retours directement.

Qu’est-ce que tu aimerais qu’on retienne de ta musique ?

Je ne me sens pas vraiment messager. J’aime bien m’identifier dans des choses qu’on me raconte, des choses dont on me parle et j’ai l’impression que ma fragilité branleuse du quotidien peut toucher des gens.

J’ai une question technique : est-ce que tu te poses beaucoup de questions ?

*rires* J’ai envie de demander… qui ne se pose pas beaucoup de questions ?
Forcément, j’ai envie de formaliser toutes les questions que je me pose. On est tous dans notre coin, que ce soit sur tous les sujets possibles, il y a beaucoup de peurs, d’angoisses communes à tout le monde.
Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Il y a un moment ou c’est bien de faire de la musique, mais qu’est-ce qu’il se passerait si ça ne marche pas ? J’ai envie que ça plaise.

Et l’avenir du coup, ça t’effraie un peu ?

Forcément ouais. Je ne sais pas où je serais dans 5 ans… mais j’ai hâte. Combien de fois je me suis posé la question, même si j’ai bien avancé depuis !

Si par exemple tu devais faire une playlist avec 5 titres, tu prendrais lesquels ?

Juste 5 titres? 

5 titres qui t’ont fait un déclic.

Ouah. Le premier sans hésiter c’est Gap des Kooks, je pense. C’est très bizarre mais ça a été instantané dans ma tête. Ces riffs de guitare au début, ça a changé ma vie.
Je pense qu’il y a La peur de l’échec d’Orelsan forcément, parce que ça parle de sentiments ouverts, de choses très simples et ça m’a beaucoup plu.
505 des Arctic Monkeys. Death on the stairs des Libertines. Et Benjamin Biolay, Britty Boy des BB Brunes.
Que tu es dure… Et y’a Lovesong des Cure. Et encore… j’en ai tellement. Tu peux aussi mettre Cave song des Wu Lyf ! C’est un groupe qui a vraiment changé ma vie. 

Et enfin, est-ce que la musique c’était mieux avant ?

AH NON. Vraiment pas, c’est mille fois mieux maintenant.
Déjà parce que tout ce qui a été fait avant c’est re-utilisé et je trouve que maintenant, même si beaucoup de choses se ressemblent, il y a mille fois plus de choses et TOUT peut exister.
Je ne sais plus qui disait « Internet c’est le passé », c’est un peu vrai mais, maintenant l’accès à la musique est beaucoup plus facile et rien que ça, ça change.

Si t’aimes pas un truc tu l’écoutes pas, t’écoutes autre chose, on s’en fout. 

Merci à Tomasi pour avoir prit le temps de discuter.

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