[INTERVIEW] Rencontre avec ABRAN et sa fascination pour l’effet Doppler, qui l’aura conduit à titrer son nouvel EP ainsi, maintenant disponible

Photos : Zoé Renard

Novembre 2022 – on faisait la rencontre d’Abran et de son univers musical alors qu’il sortait son tout premier EP, Fram. Et puis, on a décidé d’aller le voir en live une première fois, puis une seconde fois et aujourd’hui on n’ose même plus compter le nombre de fois où on s’est laissé emporter par sa musique tant électronique et planante que ambient. Après une série de remixes (signés Nuage, Bottler Sad, Toh Imago et Glückskind), le 29 mars sortait Doppler, le second projet d’Abran. Porté sur l’effet Doppler, ce nouveau projet composé de cinq titres permet de découvrir une nouvelle facette de la musique du DJ et producteur français, qui nous offre alors un plus grand spectre de sa musique.

J’ai évidemment voulu en savoir plus sur cette fascination pour l’effet Doppler et sur cet EP qui porte le même nom – alors, accompagnée par la photographe Zoé Renard, nous sommes allées à la rencontre d’Abran. C’est l’heure de l’interview.

Photos : Zoé Renard

MUSICALÉOMENTVOTRE : Bonjour Abran, pourrais-tu te présenter à ceux qui ne te connaissent pas encore ?
ABRAN :  Moi c’est Abran et je fais de la musique électronique depuis quelques années maintenant. J’ai un parcours de design graphique / motion design ; j’ai toujours aimé ce qui touche à l’audiovisuel et j’en fais d’ailleurs mon métier en freelance, puis je fais de la musique à côté que je définis comme électronique ambient. J’ai sorti deux EPs, disponibles sur toutes les plateformes, qui mélangent un peu des éléments de la musique classique acoustique, des éléments de la techno et des mouvements électroniques. Je compose tout ça sur Ableton avec des synthés et tout un tas d’effets numériques.

: En parlant du numérique et de la musique de manière générale, as-tu des influences et inspirations ?
: Je m’inspire pas mal d’artistes comme Kiasmos ou Parra For Cuva. Leur point commun est qu’ils ont eux aussi une formation de musique classique à l’origine et on retrouve ces mélanges de musique classique et électronique ; c’est quelque-chose que j’essaye d’appliquer aussi. Il y a aussi toute la scène allemande avec Christian Löffler, Nils Frahm, Fejká etc…
Au niveau des visuels, je m’occupe de tout car c’est aussi mon métier et j’y attache une grande importance en consacrant un concept à chaque projet : chaque EP est un concept poussé au maximum. Pour Fram, c’était une sorte d’expédition polaire dans l’antarctique avec des glaciers, le vent et le froid ; j’ai essayé de retranscrire ça tant dans le son que dans les visuels, notamment à travers les pochettes. Pour Doppler, mon nouvel EP, on a essayé d’intégrer l’effet Doppler sonore dans les compositions en distordant le son des instruments avec des effets dans les morceaux, et pour les visuels j’ai essayé de reprendre le spectre lumineux de l’effet Doppler, c’est-à-dire comme quand les étoiles deviennent plus chaudes lorsqu’elles se rapprochent de la terre ou plus froides lorsqu’elles s’en éloignent. Ça fait donc un spectre de longueurs d’ondes avec un dégradé de couleurs, et j’en ai fait la pochette de l’EP. Pour le reste des visuels des singles, des clips et également ce que je poste sur Instagram, tout est décliné de ce concept.

: Et qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler ce phénomène Doppler ?
: En général je réfléchis beaucoup pour trouver une idée efficace avant même de commencer à composer, ce qui est la première étape du processus. J’aime bien ce qui tourne autour des phénomènes scientifiques de base et j’aimais bien l’effet Doppler en matière de son ; tout le monde le connait plus ou moins, ne serait-ce qu’en entendant la sirène d’une ambulance qui se déforme selon sa distance par rapport à nous. C’est en faisant les recherches que je me suis rendu compte que ça concernait également l’image, ce qui était parfait pour moi et comme concept, donc j’y suis allé à fond, ce qui a donné les sons et les visuels de Doppler.

: Tu as d’ailleurs fait un clip qui est sorti avec l’EP.
: Oui, sur le morceau Lidar. Il faut savoir que chaque titre de l’EP reprend le champ lexical de l’effet Doppler, ils rappellent des instruments scientifiques présents dans la machinerie, les sous-marins, les observatoires… mais aussi la présence et l’absence de lumière. Lidar est un des morceaux les plus visuels et c’est pour ça qu’on a décidé de le clipper ; c’est une technologie d’observation utilisée dans les télescopes d’observation spatiale donc je me suis dit que ce serait cool de faire un clip en présentant un observatoire spatial perché en haut d’une montagne et de rentrer dedans pour y découvrir un univers complètement abstrait, animé. J’ai donc fais appel à une motion designeuse, Pia Vidal car j’aimais beaucoup son travail. Elle a créé différents tableaux qui sont des sortes de paysages psychédéliques et abstraits pendant que je me suis occupé de faire un décor en 3D : on a mêlé les deux pour faire ce clip. Au début, on immerge dans un décor montagneux, on s’approche d’un observatoire et la caméra rentre dans le télescope, ce qui permet de découvrir tous les tableaux animés de Pia.
J’en suis très fier.

: Sur Musicaléomentvotre, j’aime bien utiliser le terme de voyage sensoriel et visuel, qu’on retrouve également beaucoup en live. Tu faisais mi-avril un Pop Up! du Label, et j’aimerais savoir comment tu arrives à retransmettre sur scène ce que tu as en studio, qu’on peut d’ailleurs écouter en Dolby Atmos ?
: Que ce soit en live ou en DJ set, j’aime avoir un ordre de morceau qui raconte une histoire ; selon leur tempo et leur évolution, l’ordre a son importance et installe un certain fil conducteur. Quand je joue, j’aime poser un décor. Alors, cette dimension est encore plus décuplée car j’essaye d’avoir à chaque fois des visuels derrière moi, ce qui aide aussi à planter un décor concret que les gens peuvent voir, ce qui promet donc une expérience sensorielle et visuelle en live, c’est ce que j’essaye de pousser le plus. Je suis en train de préparer un nouveau live avec de nouveaux morceaux et évidemment, il y aura toujours des visuels projetés sur un écran, pour raconter une nouvelle histoire sur scène.

: Et j’en profite alors pour te demander : pourquoi alors le Dolby Atmos ?
: C’est un rapport direct avec l’effet Doppler car ce sont les longueurs d’onde et les fréquences qui se distordent. Pour pouvoir retransmettre ça le plus fidèlement possible dans les oreilles des auditeurs on s’est dit que le Dolby Atmos aurait tous son sens car on peut placer les éléments partout où on veut dans l’espace.
Pour expliquer simplement, le D. Atmos permet de choisir où est-ce qu’on veut mettre tel instrument, tel élément, tel effet des morceaux tout autour de la tête en 360°. En studio, quand on a fini l’EP avec mon ingé son Olivier Vasseur, on a pu sur tous les morceaux prendre les éléments un par un en se disant ‘cette basse on souhaite l’entendre en frontal alors que les synthés plus aériens on les veut plus lointains, on aimerait que la batterie soit plus sèche devant nous et que certains effets de reverb et de mouvements de sons soient éclatés sur les côtés’. Le logiciel Dolby Atmos positionne les éléments des morceaux dans l’espace et les personnes qui écoutent l’EP peuvent se sentir en plein milieu du morceau, ce qui accentue encore plus la spatialisation du son et l’effet Doppler.

: Tu parlais d’Olivier Vasseur ton ingé son, mais est-ce que d’autres personnes t’ont aidé sur ce projet ?
: Au début d’un projet je suis très seul, sur mes synthés en faisant des maquettes qui au fur et à mesure prennent forme puis Olivier m’accompagne en studio depuis quelques années puisqu’on partage la même vision artistique et qu’on s’entend très bien. Dès que mes démos sont un peu avancées on repasse tout en détail, il me donne des conseils sur la D.A, pour arriver à la version finale des morceaux qu’on mixe ensemble afin de masteriser l’EP et de le sortir. C’est l’acteur principal, il m’accompagne aussi sur le live pour faire le son de mes concerts. Une fois que le projet est prêt à sortir, je suis accompagné par Mathieu Belchit, mon attaché de presse qui me permet de parler de mon projet aux médias. Je sors mes projets sur mon propre label, Reliefs Records qu’on a monté avec Christian Gravier (alias Lydsten), afin de sortir nos projets respectifs en totale indépendance. 

: C’était important pour toi de sortir ta musique sur ton label ?
: Je pense que je pourrais très bien démarcher d’autres labels mais tant que le projet est en développement, je me dis qu’il est judicieux de le sortir sur Reliefs afin de rester 100% propriétaire de ma musique. C’est une certaine liberté que j’aime bien garder, même si l’objectif à long terme est de bien sur signer dans un plus gros label. En tout cas je suis très content et j’espère que Reliefs Records se développera encore plus au fur et à mesure des années.

: Pourquoi ce nom ?
: On l’a choisi avec Christian car on trouvait que ça correspondait parfaitement à notre musique. On aime bien dire que notre musique est un paysage sonore aux différentes couches, profondeurs et textures. On a des percussions qui peuvent être enregistrées avec du bois, de la nature ou même des éléments industriels et on a une musique assez calme, ‘ambient’. Donc qui dit paysage dit relief, on trouvait que ça nous représentait bien. Puis c’était important pour nous d’avoir un mot qui s’écrit de la même manière en français et en anglais pour avoir une dimension internationale.
On fait de la musique électronique sans paroles, ce qui nous permet donc de toucher plus de personnes et de ne pas se limiter à une langue ou un territoire.

: Et est-ce que rajouter du texte est un de tes projets ?
: Je ne crois pas car je préfère privilégier cet exercice de faire de la musique sans paroles. J’aime bien l’idée de véhiculer une émotion, une sensation ou un souvenir avec uniquement des instruments ou un effet précis qui portent un message.

: Revenons maintenant sur les titres de ton EP, tous en relation avec l’effet Doppler. Tu pourrais nous en parler ?
: Il y en a cinq : Mono, Alpha, Lidar, Ultra V et Doppler ; ils ont soit un rapport à l’image soit au son et une particularité à chaque fois.
Mono est un peu le contre-pied de l’effet Doppler dans le sens où c’est le son qui est très direct et en un seul canal. Alpha est dans le monde visuel la transparence, l’absence de couleur ; il y a les couleurs chaudes et les couleurs mais aussi certains éléments qui les absorbent toutes. Lidar est un instrument de mesure utilisé dans la science (domaine militaire, hôpitaux, sous-marins…) qui vient scanner les éléments dans l’espace. Ultra V pour ultra-violet, qui est un type de longueur d’onde dans le spectre de ce qu’on peut percevoir comme fréquence, d’ailleurs non perceptibles à l’œil humain mais qu’on peut capter via des instruments de mesure. Doppler est le titre éponyme au concept général pour venir clore le projet.
Ces cinq mots sont réfléchis dans ce sens-là et je fais d’autant plus attention à ce que ce soient des mots qui soient visuellement digérables, impactants, faciles à lire et à dire, d’où le fait que ce soit des mots courts qui passent partout.

: On a beaucoup parlé de Doppler, mais tu mentionnais tout à l’heure le fait que tu travaillais sur de nouveaux morceaux…
: Exact ! Nous sommes en train de préparer le clip du morceau Alpha. C’est un clip que je réalise avec un groupe d’étudiants pour valider leur diplôme et ils m’ont gentiment proposé qu’on travaille ensemble sur ce projet ; ça m’a beaucoup touché. Ils avaient déjà un story-board, une histoire à raconter, une idée d’acteurs, tout était réfléchis de leur part et c’était tant ambitieux que qualitatif alors je me suis dis ‘ça me plait, ils sont super sympas, go’.
J’ai donc assisté à trois jours de tournage à Bordeaux, donc j’ai pu rencontrer tout le monde, voir les lieux… On a été sur une plage, une forêt, un appartement et je pense que les images vont être super.

M : Abonnez-vous !
A : Et activez la cloche pour ne rien louper *rires*.

: Tu as aussi des idées de remixes, comme avec Fram ?
: Exactement, il y a quatre remixes qui vont sortir à l’arrivée de l’été, j’en suis très fier. J’ai contacté des artistes que j’aime pour savoir s’ils seraient partants pour faire une version d’un morceau et dans ceux qui ont accepté il y aura des artistes dont j’adore le travail, notamment Aparde qui m’inspire beaucoup, Baile qui est un artiste américain qui fait de la musique de film et de l’électro ambient, Frieder Nagel qui est allemand ainsi que Thems qui au-delà d’être un artiste très talentueux est un ami. Il y a du très beau monde et je suis très content.

: Et justement en parlant de l’été, est-ce qu’on va bientôt pouvoir te revoir en live ?
: Mais bien sûr, je joue à Amiens le samedi 8 juin pour le festival Minuit avant la Nuit où j’ai la chance de partager l’affiche avec des noms plutôt cool comme L’Impératrice, Disiz, Charlotte Cardin, Winnter Zuko ou encore une artiste locale qui s’appelle Bali Dou et qui travaille notamment avec Olivier mon ingé son, donc nos chemins se croisent régulièrement. J’espère pouvoir annoncer d’autres dates prochainement

DOPPLER est désormais disponible sur toutes les plateformes. ABRAN est à retrouver le 8 juin au festival Minuit avant la Nuit.

& more to come.


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3 réponses à « [INTERVIEW] Rencontre avec ABRAN et sa fascination pour l’effet Doppler, qui l’aura conduit à titrer son nouvel EP ainsi, maintenant disponible »

  1. […] du label indépendant et français, et tu as probablement déjà du lire mes interviews avec Abran et Paul CH ou encore ma chronique du dernier EP de Lysten. Pour remettre dans le contexte, Abran et […]

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  2. […] les cinq talents sélectionnés pour faire danser le public n’ont rien à envier : Abran (qu’on ne présente plus et qui vient de sortir les remixes de son dernier EP) s’occupera fera danser dès 20H00, puis […]

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  3. […] aussi ça, sa marque de fabrique. Sorti sur Relief Records, fondé main dans la main avec Abran, Lydsten reste dans l’essence même de ce qu’ils ont voulu créer et mettre en avant […]

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